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Durée : 18´ « Tant qu'il y aura encore des trisomiques, on sera encore des êtres humains. » Telle fut la conclusion, tranquillement énoncée par Ryadh Sallem, triple champion d'Europe de basket en fauteuil roulant, à l'issue de l'entretien où il avait accepté de parler des personnes atteintes de trisomie 21 qu'il accueille dans son association sportive où se mêlent « valides » et « invalides », à l'occasion de matchs amicaux ou organisés pour des compétitions. J'avais proposé à l'Association des amis d'Eléonore d'inclure le témoignage de Ryadh à l'ensemble de portraits de femmes et d'hommes vivant avec une trisomie 21 qu'elle souhaitait réaliser pour tenter, avec un certain héroïsme étant donné la traque de l'anomalie chromosomique dont la détection anténatale suscite plus de 90 % d'interruptions médicales de grossesse, de changer le regard porté sur ces personnes. (Supplément d'âme, Trisomie 21, le chromosome en plus, sept. 2011). Pourtant lui même victime du Thalidomide, médicament qui provoqua, dans les années 60, des amputations congénitales des membres, Ryadh nous rappela d'abord combien tout handicap est contextuel. Il se souvenait en effet que, vivant pendant sa jeunesse dans une institution spécialisée, les enfants trisomiques étaient alors à ses yeux les valides du lieu. « Le copain trisomique, c'était surtout, pour nous qui étions en fauteuil, celui qui était capable d'attraper les trucs que nous ne pouvions pas atteindre !» Par ailleurs, généralement aptes à des relations directes et chaleureuses dont nous sommes souvent devenus incapables, ces adolescents avec lesquels il séjourna à l'époque et ceux qu'il côtoie désormais n'apparaissent non seulement pas à Ryadh Sallem comme des individus à tenir à l'écart, ou ceux dont il est bon de « prévenir » la naissance, mais comme ces êtres dont l'exclusion met en danger notre humanité même. D'où sa tranquille affirmation. Enoncée comme un banal constat, elle n'en est pourtant pas moins révolutionnaire dès que l'on se souvient que la « trisomie 21 », d'abord identifiée comme « mongolisme », a initialement été considérée comme le retour à des formes archaïques de l'humanité ! Car tel était le diagnostic du Docteur Down, théoricien de la dégénérescence des races, pensant par ailleurs reconnaître, en toute scientificité, chez les « mongols » une race inférieure à la race blanche. Disqualification des « mongoliens » par les « mongols », et vice versa ! Or, si nul ne se risque plus aujourd'hui à énoncer ce qui s'est révélé comme une aberration scientifique, il faut croire que cet héritage idéologique a laissé de profondes traces puisque tout concourt plutôt à l'éradication anténatale de ceux qui auraient été porteurs de trisomie 21, qu'à l'organisation de ce qui pourrait permettre de s'ouvrir à leur présence. Déclarant donc en toute simplicité que nous serons humains aussi longtemps qu'il y aura encore des trisomiques, Ryadh n'appelle pas seulement à un changement de regard sur les personnes concernées, mais à une autre vision du monde, plus exactement à l'aptitude à revenir à un monde digne de ce nom ! En son sein, la perfection, ou plutôt l'excellence, ne se mesureraient pas à l'élimination de ce et de ceux que nous préjugeons « négatifs », mais à la capacité d' embrasser dans une unité véritable, toutes les figures, fussent-elles déstabilisantes, de la réalité.
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