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Durée : 67´
Les animaux entretiennent en effet un lien si immédiat et si profond avec la vie, que leur proximité a souvent été appréhendée comme un rempart contre la dépression ou l’enfermement psychique. D’où, par exemple, le recours à « l’équitation thérapeutique » dans certains cas d’autisme, ou de handicap. Il est vrai que la contrepartie de cette proximité si bienfaisante avec les bêtes a un revers : quand l’animal, en particulier aimé, disparaît, c’est à la mort même que nous voilà confrontés. Dans la belle préface aux dessins que Balthus a consacré à son histoire d’amour avec Mitsou, le chat miraculeusement trouvé par le peintre alors enfant, puis énigmatiquement disparu en le laissant profondément désemparé, Rainer Maria Rilke nous en avertit : « Perdre une chose c’est bien triste. <…> Mais perdre un chat : non ! Ce n’est pas permis. Jamais personne n’a perdu un chat. Peut-on perdre un chat, une chose vivante, un être vivant, une vie ? Mais perdre une vie : c’est la mort ! Eh bien, c’est la mort ! »
En l’animal, pas d’écart entre la vie et la vie en effet. Ainsi, massacrer les bêtes, est-ce perdre cette plénitude qui nous est généralement refusée. Le Plaidoyer pour les animaux (Allary Éditions) par lequel Matthieu Ricard établit la liste des maltraitances que nous infligeons aux bêtes est donc au fond un plaidoyer pour l’homme, un plaidoyer contre la dévastation du vivant dont nous pensons qu’elle pourrait atteindre notre « environnement » (ainsi que nous aimons à nommer les éléments de la nature, sans même voir ce qu’une telle appellation recèle d’anthropocentrisme ), en nous laissant parfaitement indemnes. Pourtant, ce serait perpétuer le problème que de ne s’inquiéter des souffrances subies par les êtres vivants, que dans la mesure où, au bout du compte, cela nous serait nuisible.
Car l’indifférence à l’égard de ce que nous faisons endurer aux animaux, par l’entremise d’un élevage industriel que d’anciens déportés des camps de la mort n’ont pas hésité à rapprocher de l’univers concentrationnaire, témoigne précisément d’une amputation de notre humanité, qui consiste à convertir l’ensemble de ce qui est, des choses aux hommes eux-mêmes ( ainsi qu’en témoigne le Corps marché ( Le seuil ), le livre de Céline Lafontaine sur la marchandisation du corps, auquel ma dernière chronique fut consacrée ), en fonds disponible.
Le massacre des animaux, qu’il s’agisse de celui des espèces sauvages ou de celui qui est perpétré par le moyen des abattoirs, n’est pas problématique du fait qu’il a finalement des conséquences fâcheuses pour nous, car le malheur vient précisément du fait que les choses ne soient estimées problématiques qu’à partir du moment où elles nous sont préjudiciables ! La plus décisive agression que l’homme se soit infligé dans les temps modernes, c’est d’avoir cru pouvoir tout ramener à lui-même, et d’avoir défini l’ « humanisme » à partir de l’anthropocentrisme ! Puisse le plaidoyer de Matthieu Ricard être entendu comme l’appel à une considération unitaire du vivant, dont tous les éléments exigent un respect que nous croyons inconsidérément ne devoir qu’aux êtres humains.
Bibliographie
Matthieu Ricard - Plaidoyer pour les animaux
Georges Bernanos - La France contre les robots
Rainer Maria Rilke, Balthus - Histoire d’un chat
Rainer Maria Rilke - 8ème Elégie de Duino
Martin Buber - Fragments autobiographiques
Kogon Eugen, Langbein Hermann, Ruckerl Adalbert – Les chambres à gaz secret d’état
Photo d'illustration : oopyright banksy
Voir le site de l'artiste : http://banksy.co.uk
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