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Durée : 23´
Autant dire que si l'inquiétude constitue, comme le pensait au XVII ème siècle le philosophe Leibniz, le fond même de notre existence, pas un seul homme sur cette terre n'a jamais été et ne sera jamais bien portant !
Certes, en ne réduisant pas la santé au seul fonctionnement optimal de nos organes, l'étonnante définition de l'O.M.S. a notamment pour avantage d'inviter à remédier aux situations sociales pénibles. Et ce, avec d'autant plus de légitimité que les malades atteints de troubles cliniquement repérables sont précisément plus nombreux parmi les pauvres et qu'au sein même de notre société, nous ne sommes nullement égaux devant la mort (Aïach P., Les inégalités sociales de santé, Economica, 2010).
Prenant pas ailleurs en considération le mal-être « mental », la définition de l'O.M.S. a également pour mérite de faire reconnaître certaines souffrances psychiques comme de « vraies maladies », quand elles apparaissent encore parfois comme une forme de faiblesse de caractère, ou une disposition dont on est plus ou moins coupables.
Mais paraissant ignorer qu'un complet bien-être n'existerait pas même au paradis (sinon Adam et Eve n'auraient jamais commis le seul acte qui risquait de les en faire sortir !), la prestigieuse organisation n'entretient-elle pas un idéal au regard duquel toute situation humaine n'en sera que plus douloureuse et inacceptable ? Là où il faudrait appréhender la vraie santé, celle que Nietzsche aurait appelé la « grande santé » (Le gai savoir, ç 382), non comme la capacité à éliminer tous les maux, mais comme l'aptitude à vivre avec ceux que nous ne pouvons résorber, nous est ici proposée une définition, où le moindre mal-être semble devoir être évité. Nous faisant miroiter un idéal contraire, comme tout idéal, à toute forme possible de la réalité, l'OMS ne nous propose-t-elle pas en somme une définition nihiliste de la santé ? Quand il serait judicieux de nous engager à comprendre que toute vie comporte une part d'insatisfaction et à envisager la santé véritable comme la capacité à l'accepter, c'est-à-dire à affirmer la vie dans toutes ses dimensions, est entretenue l'illusion de venir complètement à bout du mal-être.
Dans ce contexte, il ne faut pas s'étonner que des parents jugent par exemple insupportables la naissance d'un enfant atteint de troubles (un doigt manquant par exemple) qui ne donnent théoriquement pas accès à l'interruption médicale de grossesse réservée à des situations où l'enfant à naître est porteur de pathologies d'une « particulière gravité », ou que, si l'on se tourne vers l'autre bout de la vie, la dépénalisation de l'euthanasie puisse apparaître comme la solution adéquate quand un être humain ne peut plus être soigné. Car si l'on mesure la santé à un état de parfait bien-être, la moindre anomalie devient intolérable et les maux incurables sont sommés de sortir au plus vite de notre paysage, fût-ce au prix de l'élimination de ceux qui en sont porteurs.
Remercions donc l'O.M.S. de ne pas réduire la santé à l'absence de maux physiologiques, mais méfions-nous d'un idéal sanitaire qui nous conduit à une intolérance croissante à l'égard de tout mal-être.
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