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Durée : 40´
... livre par lequel Céline Lafontaine a recensé les travaux effectués par des chercheurs anglo-saxons et francophones sur la marchandisation du corps humain. En admettant d'ailleurs qu'il soit encore opportun de parler de « corps » puisque l'un des traits du phénomène est son abrogation pure et simple ! La culture cellulaire in vitro, rendue possible grâce à la création en 1907 d'une première lignée de cellules de grenouilles, a contribué à rendre visibles les processus physiologiques internes, tout en « rendant invisibles les corps » dont ils sont extraits, explique la sociologue québécoise. De fait, il n'est plus même question d'organismes, mais seulement de matériaux de laboratoires ! Le sang, les cellules, les embryons, les cadavres et les mourants eux-mêmes ( réservoirs potentiels d'organes ), les ventres des femmes, le « corps » des pauvres, et parfois même celui des riches ( puisque rien n'échappe au dispositif ! ) sont convertis en un stock où il est loisible de puiser. Avec pour légitimation, un objectif qui en occulte le caractère problématique : le fonctionnement illimité d'une économie supposée au service d'une santé infaillible.
« Les questions d'ordre éthique ont volontairement été laissées de côté afin de mettre l'accent sur les mécanismes économiques, politiques et sociologiques qui sous-tendent le corps-marché », prévient Céline Lafontaine. Mais de fait, cet inventaire de l'emprise croissante de la technique et de l'économie sur la vie humaine, pousse, par lui seul, à se demander si au coeur d'un pareil dispositif, un séjour humain est encore possible. Quand, au nom de la régénération des corps, l'instrumentalisation de tout se profile, est-il encore nécessaire de « poser des questions éthiques », si l'on se souvient qu' « éthos » signifie « séjour », lieu d'habitation, et que l'éthique s'efforce donc de penser un lieu d'habitation vraiment humain, ( Heidegger, Lettre sur l'humanisme).
Or, ne sommes-nous pas projetés au cœur de l'inhabitable quand, ironie du phénomène, c'est parfois en faisant appel au « don » ( d'organe ou de sang, notamment ), que le règne de l'efficience totale déploie son empire ? Comme dans tous les systèmes de coercition, ce sont les plus fragiles qui sont d'abord touchés : les femmes pauvres prioritairement invitées à se mettre au service de la généreuse Gestation "Pour"Autrui, les étudiants impécunieux, cibles favorites des laboratoires pharmaceutiques américains pour l'expérimentation médicale, évidemment réalisée avec le « consentement éclairé » (démocratie oblige ) des intéressés !
Une seule question semble alors s'imposer :
Un rapport juste et sain aux fulgurants progrès techniques qui sous-tendent la « bioéconomie » est-il possible ?
Elle en soulève plusieurs autres, très concrètes :
Si l'état de santé de l'un de nous ou de nos proches nécessite par exemple une greffe, entretenons-nous au fond un système pervers ? S'il y a alors incontestablement des femmes et des hommes qui donnent en toute générosité leur sang, leur moelle osseuse, leurs organes, à quelles conditions incontournables cela peut-il être légitime ? À quelles interventions scientifiques sur le corps faut-il absolument résister pour préserver la dignité humaine ?
Vaste champ de réflexion pour les « comités d'éthique » du monde entier !
Bibliographie pour aller plus loin :
Céline Lafontaine : Le Corps-marché - La marchandisation de la vie humaine à l'ère de la bioéconomie
Martin Heidegger : Essais et conférences - La question de la technique
Joë Bousquet : Lettres à poisson d'or
Ingrid Auriol : Intelligence du corp
Lire le texte de Danielle Moyse sur l'excellant site Bio éthique online / http://bioethiqueonline.ca/4/6
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